Des Canaries au Sénégal

Nous récupérons le bateau à Ténérife, visitons El Hierro, puis nous lançons dans les 900 milles de traversée vers Dakar

Après un séjour d’un mois en France durant lequel nous avons profité pleinement mais rapidement de nos amis et de notre famille, nous abandonnons la pluie et le froid qui s’installent sur la France. Le 6 janvier nous sommes de retour à Ténérife. C’est accompagnés de notre fidèle équipier Daniel que nous retrouvons Free Vikings qui nous attend sagement à la marina Amarilla à San Miguel au Sud de Tenerife. Nous louons une voiture pour deux jours afin de faire l’avitaillement et visiter Santa Cruz de Tenerife la capitale de l’île.

Cette ville est très animée, il s’y mêle un modernisme bruyant parfois exacerbé, illustré par la salle de spectacle ; et une ambiance désuète et plus calme dans le quartier ancien. Nous sortons de la gare routière où nous avons laissé la voiture pour plonger dans une agitation et une circulation digne de nos grandes villes, avec ses magasins typiquement occidentaux. La végétation nous rappelle néanmoins que l’on se trouve dans une région subtropicale. Le marché est typiquement canarien avec ses étals alimentaires, de babioles à touriste et de restauration. Les décorations de Noël encore présentes y ajoutent un air festif. C’est jour de brocante en ville, nous parcourons les très abondants étals qui nous rappellent nos propres marchés aux puces. Nous rejoignons la vieille ville où nous retrouvons l’architecture typique des villes des Canaries avec par exemple ces belles fenêtres et portes en bois. Nous fêtons nos 35 ans de mariage au restaurant dans un rue piétonne plus calme, puis nous reprenons le chemin de la marina dans l’après-midi après une halte sur une plage cachée derrière une zone commerciale. Mais déception, nous ne nous baignerons pas : non seulement le sable est tout noir mais tellement caillouteux que nous renonçons.

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La journée du 8 janvier est consacrée aux courses et à la remise en conditions de navigation du bateau : réparations avec les pièce reçues en France, installation de filtration pour l’eau en prévision de l’Afrique etc.. Nous nous récompensons de nos efforts au bar de la marina d’où nous admirons le coucher de soleil : c’est à peu près la seule distraction de ce lieu coincé au fond d’un complexe résidentiel loin de tout sans voiture.

Le 9 janvier nous larguons les amarres au lever du soleil et après un plein de gas-oil à la dernière station des Canaries, nous prenons la direction de El Hierro. C’est une belle journée de navigation avec malheureusement un peu de moteur car le vent n’est pas au rendez-vous et nous avons plus de 70 milles à parcourir pour rejoindre Puerto de Estaca à El Hierro. Nous nous amarrons à plus de 22 heures dans cette petite marina bien accueillante construite au fond du terminal de ferry de l’île.


La première journée nous trouvons le bureau de la police portuaire au fond du terminal des ferry flambant neuf et nous apprêtons à faire les formalités d’entrée. Nous tombons sur un gentil policier qui ne parle pas un mot de français, ni d’anglais. Notre espagnol étant à peu près nul, les échanges sont difficiles. Il finit par abandonner nous dit de revenir demain ou après-demain (no stress, nous dit-il !) quand son collègue anglophone sera là, et il nous donne les documents avec toutes les informations nous permettant de faire un peu de tourisme dans l’île. Nous aurons toutes les difficultés à nous faire enregistrer. A notre second essai le lecteur de carte bancaire ne fonctionne plus donc on ne peut pas payer la taxe portuaire, le policier présent prend quand même nos coordonnées sur une feuille volante. Et quand la veille de notre départ, au moment de payer notre dû, nous tombons sur le policier non anglophone, il ne retrouve pas trace de notre passage et finit en désespoir de cause par nous dire de partir sans payer… No stress ! Nous ne pouvons pas, nous n’avons pas fait de clearance de sortie de l’UE car il n’y a pas de bureau à El Hierro (il aurait fallu la faire plusieurs jours à l’avance à Tenerife) et nous avons besoin au moins d’une facture pour attester de notre dernière étape au cas où on nous le demanderait à l’arrivée en Afrique.

Le port est un peu isolé, éloigné de 9 km de la ville principale Valverde qui se trouve sur les hauteurs. Et malgré sa gestion un peu olé olé, le port est très accueillant équipé de sanitaires corrects, d’une vaste aire de stockage à sec, d’une darse, où il ne manque plus que le roue-lève ou une grue. Une jolie plage de sable noir aménagée jouxte la marina et me permet de reprendre mes habitudes de petit bain matinal. C’est vivifiant ! L’eau de la mer et la température extérieures ne dépassant pas 20°, ça met en forme !



Le premier jour de notre découverte de El Hierro est consacré à Valverde que nous rejoignons en bus. Le tour de la capitale de cette petite île est vite fait. La rue principale étroite en sens unique est bordée de nombreux petits commerces. En contrebas se trouvent l’église de la Conception et l’Hôtel de Ville avec une belle vue sur la mer et sur les hauteurs un, peu décentré, le musée qui relate l’histoire de l’île et expose le peu qu’il y a à montrer de cette île qui fut très pauvre. Les premiers colons se trouvaient quasiment en autosubsistance et devaient tout fabriquer eux même. Le musée regroupe tout leur savoir-faire de la fabrication des outils aux réalisation de vannerie, tissus etc… Nous y trouvons un petit supermarché relativement bien achalandé où nous pourrons faire nos dernières courses avant la traversée.

Nous louons une voiture pour partir découvrir les merveilles naturelles de cette île isolée loin du tourisme de masse. Les « Miradores » nous permettent d’admirer de très beaux panoramas de l’île volcanique qui plonge dans la mer par de vertigineuses falaises. Au Nord-Est de l’île un bassin d’effondrement a créé une vaste plaine El Golfo entourée d’un côté par la mer et de l’autre par des falaises hautes de 1000 mètres. La houle de l’Atlantique vient se briser sur la côte de El Golfo sur les roches volcaniques noires formant de beaux contrastes de couleur. Cette plaine fertile abrite des plantations de bananes et d’ananas principales productions de l’île avec la vigne et les quelques produits laitier de l'élevage. Le Garoé est un arbre sacré des habitants indigènes de l’île les Bimbaches. Cet arbre a le pouvoir de faire se condenser l’eau amenée par les alizées et comme il se trouve planté sur une configuration géologique particulière avec une couche sous-terraine imperméable, l’eau se trouve stockée dans le sous-sol en nappes. L’arbre originel est mort mais un autre arbre a été planté au même endroit qui est maintenant un lieu d’attraction touristique et de mémoire.

En altitude, à plus de 1000 mètres (le point culminant est à 1500 m) on trouve une forêt primaire dense et de nombreux chemins de randonnées permettent de visiter les divers Miradores qui surplombent les nombreux cratères ou les falaises abruptes d’El Golfo. Nous nous y dégourdissons les jambes. En redescendant des hauteurs de l’île vers le sud, on traverse une belle forêt de pins, après la traversée du petit village de El Pinar, on arrive sur une immense coulée de lave complétement inculte, grise ou marron et minérale. A l’extrême sud de l’île le village de La Restinga abrite un centre de plongée, un port de pêche et une petite station balnéaire. Nous y déjeunons sur le port de spécialités locales. Au cours de ce déjeuner nous assistons à un retour du bateau de sauvetage qui ramène une chaloupe de migrant. Ils sont débarqués sous bonne escorte sur le quai où est aménagée une tente d’accueil, signe que c’est pratique courante. Les Canaries sont un lieu d’entrée dans l’UE très proche de l’Afrique et forcément attirent les tentatives de migration clandestines.

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Loin de l’île de Tenerife complétement urbanisée et dédiée au tourisme de masse avec ses complexes hôteliers ou résidentiels qui ont dégradés toute la côte, El Hierro est la plus sauvage, une des plus belles et la plus préservée des Canaries. Avec ses 11000 habitants une ambiance particulière propre aux îles règne sur cette île, où les amoureux de la nature sont bien accueillis. Elle rejoint dans nos cœurs La Palma et la Goméra.



Nous quittons l’Europe le dimanche 14 janvier après avoir enfin régularisé notre situation le matin même auprès des autorités portuaires. La météo n’est pas très favorable, très peu de vent au début et souvent de secteur Sud, mais ça devrait s’arranger au bout de quelques jours.

Et effectivement pendant trois jours nous alternons les phases de moteur et de voile avec le moindre souffle de vent qui se lève, et nous permet d’avancer avec efficacité vers le Sud, pas forcément au cap exact mais nous gagnons doucement vers le Sud. Puis le 17 au matin le vent d’oriente de secteur Nord. Nous marchons sous gennaker ou voiles en ciseaux la nuit et n’avançons pas bien vite avec cette brise, mais enfin sous voile. La nuit du 19 janvier un soudain coup de vent de secteur Nord toujours, avec des rafales à 30 nœuds amène tout le monde sur le pont à 4 heures du matin. Il faut enrouler le génois prendre un ris et surtout amener le gennaker probablement mal enroulé qui commence à se dérouler. Il s’enroule autour de l’étai lors de la manœuvre : tout est bloqué. Nous continuons ainsi jusqu’au lever du jour, en maintenant la voile à l’abri de la grand-voile pour éviter de l’endommager et de trop secouer le gréement. Alors le vent s‘étant un peu calmé et malgré les vagues qui nous chahutent pas mal, la mer s’étant levée avec le vent, nous parvenons à récupérer le gennaker et le ranger dans son sac. Ouf ! Un bon vent de 20 nœuds puis 15 se maintient encore deux jours et nous restons sous seule grand-voile la nuit et parfois aussi dans la journée quand ça avance trop vite, afin d’arriver de jour à Dakar.

C’est une belle traversée par laquelle nous retrouvons la joie de naviguer au rythme des alizées. Les tentatives de pêche de Daniel nous permettent de prendre une petite bonite que nous cuisinons en marinade et avec laquelle nous nous régalons, puis une magnifique dorade coryphène qui a droit à une seconde vie car elle bien trop grosse pour nous, ce serait du gâchis ! Une bande de beaux dauphins tachetés gris vient jouer un moment avec le bateau puis une rencontre de loin avec des globicéphales attire notre attention. Nous retrouvons avec toujours la même joie le spectacle grandiose des levers et couchers de soleil en pleine mer.

Les immeubles de la ville de Dakar émergent de la brume le 21 au matin. Vers midi, après avoir contourné le Cap Vert et la péninsule formée par cette grande ville africaine, nous rejoignons le mouillage du CVD (Club de Voile de Dakar) dans la baie de Hann.

Le Sénégal

Dakar et la rivière Saloum


Le CVD (Club de Voile de Dakar) est LE point de chute des navigateurs de cette grande capitale africaine. C’est à vrai dire le seul endroit où il y a un quelconque accueil pour les voiliers. Un peu au Sud du port commercial dans le fond de la Baie de Hann on trouve un misérable ponton branlant avec des bateaux mouillés devant. Peu de temps après notre arrivée un employé du CVD nous rejoint en barque et nous propose de nous amener à terre, c’est Mustapha. Son job est de faire le taxi le week-end pour débarquer et rembarquer les navigateurs. La première chose qui frappe en débarquant c’est d’abord l’odeur de vase pourrie de cette plage complètement dégradée par des immondices : c’est une vraie poubelle ! Nous devons traverser la plage pour rejoindre le club, bâtisse et ses dépendances qui ont eu leur heure de gloire pendant l’époque coloniale. C’est à peu près propre, si ce n'est les épaves de bateaux, canots, moteurs qui sont entreposés sur le terrain. C’est le point de chute des baroudeurs (à voile ou en camping-car) du coin.

Nous rencontrons les divers intervenants du Club. Il y a Abdou qui nous propose de faire le plein d ‘eau, un autre qui est responsable des carburants, mama lessive, mama nougat qui vend de la bonne nougatine aux cacahouètes, des pralines ou des cacahouètes salées délicieuses, mama couture qui propose de drapeaux de tous les pays ou des vêtements sur mesure, etc… Comme c’est dimanche nous devons attendre le lendemain pour faire les formalités. Partis pour faire une première découverte nous sommes alpagués par une bande d’expatriés qui se retrouvent tous les dimanches au bar du Club. Nous passons une agréable fin d’après-midi en leur compagnie : ils nous apprennent leur Afrique.

Notre première journée consacrée presque exclusivement aux formalités d’entrée dans le pays est une bonne mise en conditions. Le CVD est situé à la limite d’un quartier « chic » et d’un village de pêcheur. Quand on sort dans la rue à peine bitumée, on trouve des étals en tout genre, l’étal de mama couture avec ses vêtements et tissus africains, des bouisbouis où les femmes cuisinent à même le sol ou vendent des fruits, des "artisans" qui fabriquent des objets en soudant ; des genres de menuisiers travaillent le bois, tous avec des pièces récupérées et quasiment sur la rue. Au coin de la rue apparemment c’est l’endroit où on trouve un taxi. Et effectivement un véhicule noir et jaune complétement délabré se présente et accepte de nous emmener au centre-ville au poste de police.


La conduite à Dakar est très spéciale, s’il y a deux files on en fait une troisième pour gagner quelques centaines de mètres, les routes sont complétement défoncées. Notre chauffeur se faufile partout au milieu des camions, semi-remorques qui sortent de la zone de fret portuaire, tout cela dans la poussière et les embouteillages permanents de Dakar. Nous serons les fesses ! Notre chauffeur ne parle pas très bien français et ne sais pas du tout où il doit nous amener, ce qui complique un peu les choses.


Nous finissons tout de même, au bout d’une heure à trouver le bureau de la police de l’immigration. Nous arrivons en haut d’un escalier dans un couloir où nous passons devant un groupe de policiers inactifs assis en rang d’oignons. On nous conduit dans un premier bureau où nous attendons l’employée qui va s’occuper de nous. Pendant ce temps ses collègues se préparent un casse-croute et bavardent, il y a une belle animation dans ce bureau ! Nous sommes ensuite conduits dans un autre bureau où on nous prend nos empreintes digitales, puis retour dans le premier bureau où enfin la policière remplit ses formulaires nous tamponne nos passeports tout en jacassant avec ses collègues qui s’amusent avec le chef qui télécharge ses photos de vacances. Tout se passe sans aucun stress dans une ambiance bien sympathique, mais il ne faut pas être pressé !


Nous retrouvons notre chauffeur qui nous attend et c’est encore toute une affaire pour trouver une banque pour retirer quelques CFA. Nous finissons par abandonner de trouver le bureau des douanes avec lui, c’est déjà assez compliqué de lui faire comprendre de nous ramener où il nous a pris.

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Le bureau des douanes se trouve près du CVD et nous nous y rendons l’après-midi à pied. Il faudra deux essais, au premier le chef n’étant pas là, la secrétaire revêche ne pouvait rien faire. Après 15 heures nous retournons donc voir cette aimable personne qui nous demande ce que nous voulons. Bien être en règle, mais s’il n’y a rien à faire nous repartons ! Mais vous ne serez pas en règle ! Elle finit par daigner nous expliquer qu’il faut qu’elle nous délivre un "passavant" (ou permis de circuler) pour le bateau. Ce document est payant 25000 CFA (environ 35 €) pour un mois : payé sans reçu ! Apparemment c’est la nouvelle coutume ! Du racket, peut-être, peut-être pas ? Le document est délivré à nos trois prénoms, le nom du bateau ne figure même pas sur le document : mais il fait très officiel avec de beaux tampons. Elle se fendra quand même d’un "Bon séjour" pour nous saluer ! Cette journée nous a épuisé ! Nous finissons l’après-midi au bar du CVD à faire connaissance avec les quelques navigateurs de passage.

Le lendemain nous restons à bord ou au bar, nous devons démonter la grand-voile sur laquelle le coulisseau de point d’écoute est déchiré, de plus elle s’est abimée sur les barres de flèche et il faut trouver ce qui a pu la blesser. Nous débarquons notre lessive, portons la voile à Diego, le voilier du CVD, un gars bien efficace. Philippe qui s’était déjà brûlé le nez lors de l’épisode bataille avec le gennaker pendant la traversée, ne voit pas que la porte du local faisant office de voilerie est très basse et se fend le crâne en la prenant de plein fouet. Tout le monde est aux petits soins pour lui, heureusement plus de peur que le mal… Il a la tête dure !

Notre premier jour de visite de Dakar, nous reprenons un taxi qui nous amène au marché Kermel. Une grande halle très animée avec, au centre les étals de poissons peu engageants qui exhalent une odeur très désagréable, et autour les étals bariolés et très fournis de fruits et légumes. On peut à peine circuler entre les allées. A la sortie du marché nous sommes alpagués par les vendeurs de toutes sortes de souvenirs africains. Ils ne sont pas trop insistants, il suffit de dire non fermement et avec le sourire. Certains engagent la conversation pour savoir si nous venons de la vraie France, puis on fait une petite plaisanterie sur le prochain match où le Sénégal joue pour la coupe d’Afrique et on est amis !


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Nous marchons dans les rues et arrivons sur la Place de l’Indépendance. Une large esplanade avec de la verdure entourée d’immeuble plus modernes, tous les bâtiments et aussi la chaussée sont partout en très mauvais état.


Nous arpentons la Corniche qui longe la mer et trouvons "Le Lagoon", un bar que nous ont recommandé nos expatriés. Un endroit fréquenté par les VIP qui contraste terriblement avec tout ce qui l’entoure. Encore un vestige de la grandeur coloniale avec sa belle terrasse sur la mer avec sa plage privée, la seule propre de Dakar. Le tout jouxte une plage où logent des sans-abris. Ce sont les contrastes de l’Afrique !

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Notre seconde journée de visite de Dakar nous conduit au Musée des Civilisations Noires, un immense bâtiment moderne qui regroupe des expositions très scientifiques de l'origine de l'humanité jusqu'à l'art africain en passant par les diverses religions, la place des femmes en Afrique etc… Très intéressant mais il faudrait y passer une semaine pour tout voir !


Nous avons tout juste le temps d'attraper le bateau pour l'Île de Gorée en sortant du Musée. Cette île très recherchée et résidentielle lors de l'époque coloniale est maintenant, parait-il, un lieu de villégiature pour les Dakarois aisés. En dehors de la zone du débarcadère où se trouvent les restaurants, les étals touristiques, et quelques villas, le reste de l'île est une vaste poubelle où les gens vivent avec leurs chèvres dans des genres de bidonvilles dans une grande misère. Les anciennes maisons coloniales sont dans un état de délabrement avancé, comme partout des détritus jonchent le sol. Au bout de l'île des artistes exposent dans la rue des longueurs de jolis tableaux destinés aux touristes.


En deux jours nous avons notre dose de Dakar, de ces aller-retour interminables dans la poussière en taxi pour ne visiter à peu près que des détritus et des ruines.

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Depuis notre arrivée à Dakar nous sommes sous le régime de l'harmattan. Ce vent de sable du désert provoque une baisse sensible de la visibilité, salit tout en déposant une poussière ocre qui s'incruste partout. C'est très désagréable, on se sent sale en permanence et notre pauvre bateau a piètre allure. On en vient à espérer une bonne averse pour tout nettoyer. Vivement les premiers grains tropicaux ! De nombreuses personnes portent des masques pour se protéger, à la longue, ce ne doit pas être très bon pour la santé de respirer ce sable.


Les journées passées au CVD nous permettent de nous reposer un peu. Les employés sont très gentils les femmes sont très attachantes, elles viennent me parler et nouent une espèce de complicité féminine. Je me fais faire une robe sur mesure dans un tissu africain bariolé. Il suffit de demander ce dont vous avez besoin et tout de suite l'un des gars sur place vous trouve la solution : c'est le système D africain. Nous passons nos journées à l'abri de la terrasse en sirotant de La Gazelle, la bière locale. Nous allons découvrir le village de pêcheur voisin où nous pouvons acheter des fruits et légumes. Les transactions sont parfois surprenantes car les vendeurs ne savent pas toujours compter et si cela dépasse trois articles, ils doivent demander l'intervention d'un de leurs comparses. On ne s'y attarde pas car les puanteurs du marché aux poissons et la saleté environnante est trop dépaysante pour nous.

Au bout de six jours, fatigués de cette ville sale et bruyante (je ne vous ai pas parlé de l'appel à la prière à longueur de journée !), nous levons l'ancre pour nous diriger vers le Sud où nous attend l'embouchure du Siné Saloum et sa belle nature.


Nous partons très tôt, il fait encore nuit, pour pouvoir arriver de jour à l'embouchure du fleuve Saloum qui est réputée délicate et surtout non éclairée. Nous trouvons notre chemin, de nuit, entre les nombreux cargos et tanker au mouillage dans la baie de Hann. Puis la journée nous devons également souvent dévier notre route pour éviter les filets et zones de pêche. Sur les 65 milles de navigation il n'y pas une zone où la pêche n'est pas pratiquée, cela grouille de barques de pêcheurs. Ce sont de grandes barques bariolées d'au moins 10 mètres où ils sont très nombreux pour remonter des filets très grands et chargés en poisson. Ils pêchent souvent à plusieurs barques : une plus petite avec un seul homme à bord semble tendre le filet.


Nous trouvons facilement l'entrée du Saloum, balisée par un chenal de bouées rouges et vertes et allons mouiller notre ancre en amont du village de Djiffer peu avant la tombée de la nuit.

Le lendemain, nous entreprenons, après avoir gonflé notre annexe, d'aller un jeter un coup d'œil au village de Djiffer en espérant trouver un peu autre chose qu'en ville. Grosse déception, nous débarquons sur une plage jonchée de débris en plastique, qui semble privée et demandons l'autorisation de laisser notre annexe sur la plage aux gars qui travaillent sur le lieu : "Pas de problème, tu me donnes 2000 CFA !". Sur la route qui rejoint le village, nous longeons sur un côté la plage avec des meutes de chiens errants, des chèvres et, de l'autre, des maisons misérables sans toit pour la plupart : quatre murs en parpaings, une cour avec des chèvres et du linge qui sèche. Le village n'a rien à envier à notre village de pêcheurs de Dakar. C'est tout aussi sale et puant.


Nous rentrons plutôt déçus au bateau et décidons donc d'aller mouiller ailleurs. Un peu en amont nous posons notre ancre devant un hôtel : Hakuna Lodge. Nous pouvons profiter de la soirée en sirotant une bière sur une terrasse propre face à la rivière elle-même propre et propice à la baignade. Quel bonheur ! Le personnel du lodge très accueillant nous prend nos poubelles, nous propose de prendre une douche dans leurs installations ; nous pourrions également faire de plein l'eau si besoin.

Le lendemain nous profitons de l'hospitalité du lodge, pour y laisser notre annexe en sureté et partons à pied visiter le village de Mar Lodj. Nous marchons une bonne heure dans la brousse tant que la chaleur est encore supportable.


Nous suivons une piste de sable dans une lande plate, plantée d'herbe sèche, d'eucalyptus, de quelques baobabs et autres épineux. Nous traversons des zones de marais plus ou moins asséchés. Avant de voir les maisons, la proximité du village est signalée par la présence de détritus divers et variés dans la nature. Le village de Mar Lodj est visité par des touristes et son activité en est affectée. Nous sommes accueillis par un guide qui, sans rétribution, nous fait faire le tour du village et nous en explique la vie. Les trois religions catholique, musulmane et animiste cohabitent, avec une mosquée et une église. Il nous montre l'arbre de la fraternité symbolisé par deux arbres entrelacés l'un à l'autre au pied duquel est rendue la justice encore aujourd'hui ; l'arbre de la circoncision et de l'initiation où se déroulaient les rites initiatiques ; le marché, les étals artistiques. Il prend congé en nous remerciant de nos achats de confitures et objets artistiques et nous organise le retour en calèche au lodge. Un moment bien sympathique dans un village typique et propre.


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Après une soirée bien agréable à regarder le coucher du soleil en sirotant un Mojito, nous continuons le lendemain la remontée du fleuve Saloum.



La rivière Saloum est très large et forme un véritable delta. Le relief est complètement plat, les rives sont bordées de mangrove qui alterne avec de petites plages avec assez peu de végétation, des bois d'eucalyptus et quelques palmiers. Nous remontons la rivière sur 5 milles pour entrer dans un bolong qui serpente dans la mangrove. Nous mouillons notre ancre à l'entrée d'un petit bras de rivière par lequel nous rejoignons le village de Moundé.

Après avoir débarqué sur un ponton des plus rudimentaire nous empruntons une piste pour rejoindre le cœur du village. C'est comme tous les villages que nous avons visité un ensemble plutôt triste de maisons en béton toutes grises et plutôt misérables où les chèvres vivent avec les villageois. Sur la périphérie, de nombreuses maisons sont en construction. On retrouve comme partout ce problème de traitement des ordures.

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En dehors du village de Mar Lodj où la réalité est un peu faussée par le besoin touristique, tous ces villages sont finalement tous pareils et un peu tristes. Nous sommes un peu lassés de cette misère et cela même si les habitants sont très amicaux. La brousse offre un beau paysage mais un peu monotone et en dehors des buffles, de belles variétés d'oiseaux et paraît-il des hyènes, il n'y a pas tant d'animaux que cela dans cette partie du Sénégal.

Forts de ces constatations et à vrai dire un peu lassés de la saleté nous décidons d'abréger notre séjour. Nous n'irons pas en Casamance. De plus le nouveau jeu de la police, en vigueur là-bas qui consiste à racketter les navigateurs de 100000 CFA, nous énerve un peu.


Le 31 janvier nous redescendons le Saloum sous génois poussés par un bon vent et allons passer la nuit dans le bolong de Douniar juste face au chenal de sortie. Et le 1 février nous reprenons le chemin de Dakar sans trop de vent, donc toujours un peu au moteur, en slalomant entre les diverses activités de pêche. Nous devons faire nos formalités de sortie à la capitale et en profitons pour déposer Daniel qui reprend l'avion pour Paris.

Nous reprenons nos habitudes au CVD. Un aller-retour vite expédié à Dakar pour faire tamponner nos passeports. Nous retrouvons la même ambiance dilettante au bureau de l'immigration que la semaine dernière. Nous faisons le plein au supermarché Casino de Dakar, bien approvisionné en produits français, en prévision de la transat, sachant qu'au Cap Vert on ne trouve pas tout. Nous trainons, prenons nos repas au CVD, remettons le bateau en mode traversée. Alors que nous sirotons une bière au bar, un monsieur nous aborde nous demande si nous n'allons pas au Cap Vert par hasard. Il est descendu en camping-car depuis la France avec sa petite fille qui cherche à gagner Mindelo où elle va travailler pour une O.N.G. Tous les deux ont de beaux projets et sont bien sympathiques, nous acceptons d'embarquer Coline à condition qu'elle se mette en règle avec les autorités pour la sortie du territoire. Il faut faire vite, nous sommes vendredi et tout est fermé le week-end.


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Le samedi nous disons au revoir à Daniel qui prend son avion et va rejoindre sa Pénélope qui commence à se morfondre. Un grand merci Daniel pour ta présence toujours autant appréciée.


Demain nous levons l'ancre vers le Cap Vert avec une nouvelle équipière...

De Dakar au Carnaval de Mindelo

Traversée vers le Cap Vert et découverte de Sao Vincente et du Carnaval de Mindelo

Le 4 février au matin Mustapha et François le grand-père de Coline nous amènent notre jeune équipière à bord. Après lui avoir fait les honneurs du bord, nous levons l'ancre et quittons Dakar. Nous devons faire quelques heures de moteur pour nous extraire de la côte africaine et trouver les alizées de Nord-Nord-Est qui vont nous accompagner tout au long de la traversée. Dès que le vent se lève, la mer aussi et, de concert, le mal de mer de Coline qui ne croyait pas y être sensible. Ce mal est vicieux ! C'est un vent parfois soutenu, qui nous oblige à prendre un ris et quelques tours de rouleau dans le génois ; parfois plus faible, qui nous fait à nouveau manœuvrer pour tout relâcher. Nous avons un vent de travers, allure où les voiles sont au maximum de leur efficacité et donc le bateau est plus sensible aux sautes de vent.

Nous avons une équipière très concentrée pour éviter que son malaise n'empire, qui somnole pendant deux-trois jours. Au quatrième jour, enfin elle émerge alors que nous sommes dans l'Archipel du Cap Vert et approchons de São Nicolau !

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Afin de ne pas arriver de nuit à Mindelo, nous décidons de nous arrêter sur le côte Ouest de cette île devant une jolie plage de sable blanc et de belles concrétions de basalte sur la falaise. Nous pouvons passer une bonne nuit au calme après un bon bain de mer dans un eau transparente. Quel dommage que la brume très épaisse de l'harmattan enveloppe le paysage de cette gangue cotonneuse ! Les magnifiques falaises de São Nicolau sont moins nettes.

Nous arrivons le lendemain, jeudi 8 février, à Mindelo où nous sommes bien accueillis à la marina par des marins toujours très serviables. Nous pouvons enfin prendre un verre au bar flottant de la marina, nous en rêvions ! Il y a toujours une bonne ambiance à cet endroit, rendez-vous des navigateurs en escale. Peut-être faut-il le regretter, le bar flottant semble être devenu un endroit à la mode et est très fréquenté le soir. Nous parvenons tout de même à diner ce soir-là avec Coline et son ami qui nous a rejoint, pour notre dernière soirée ensemble.

Coline nous quitte le lendemain.

Merci Coline pour ta charmante compagnie, dommage que ton mal de mer nous ait empêché de faire plus ample connaissance, les discussions que nous avons eues était très intéressantes et sympathiques. Nous te souhaitons bon vent pour tes projets, et espérons croiser à nouveau ta route.

La très animée ville de Mindelo est fidèle à notre souvenir, si ce n'est qu'elle nous semble plus moderne et encore plus touristique tout en gardant son authenticité. Les bâtiments sont colorés en centre-ville, certains avec un style typique. La ville est gaie : quelques belles artères, de petites rues, des placettes avec des terrasses, des bistrots et des magasins d'artisanat local. Il y a beaucoup d'agitation car la ville prépare le carnaval. Il ne faut pas manquer le petit musée Cesaria Evora installé dans sa modeste maison ; un petit moment "saudade" !

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Parmi les nombreux gars qui proposent des excursions autour de l'île. Roberto nous fait une offre, qui ne nous paraît pas exagérée, pour aller nager avec les tortues à la plage de San Pedro. Nous partons avec lui en taxi jusqu'au petit village de pêcheur situé sur cette magnifique plage au Sud-Ouest de l'île. A l'autre bout de la plage, plongeant dans des eaux bleu-marine, est perché le Phare de Dona Amélia accroché au flan de cette belle falaise aride. Nous grimpons dans une barque de pêcheur qui est poussée à l'eau par une dizaine de gars joignant leurs efforts. On nous conduit à une centaine de mètres de la rive où sont déjà en poste d'autres barques avec des touristes. Ils appâtent les tortues avec des poissons (elles ont l'air d'aimer cela autant que l'herbe). Et nous voilà dans l'eau à nager au milieu d'une petite dizaine de tortues plus ou moins grosses qui s'approchent à nous toucher. C'est assez impressionnant et tellement beau ! Nous faisons attention à nos doigts, des fois quelles les prennent pour de la viande ! Le jeune capverdien parlant très bien français, qui nous accompagne lors de cette baignade, nous explique que les fonds qu'ils récoltent en faisant ce type de tourisme, sont employés entre autres à protéger ces tortues, en éduquant les plus jeunes, en organisant des campagnes de nettoyage etc… Le village de San Pedro est fidèle à nos souvenirs capverdiens, des maisons plus ou moins finies plus ou moins peintes (plutôt moins que plus), avec un air d'Afrique, mais à la différence du Sénégal, c'est propre et il y a des bistrots !

Roberto est un bon commerçant, nous repartons le lendemain avec lui et son chauffeur dans un aluguer tout beau tout neuf pour un tour de l'île. Sur les hauteurs de Mindelo se trouve une ancienne fabrique de poudre complètement en ruine, première industrie qui employait de nombreux esclaves. Nous montons dans un décor de Far-West dans la réserve naturelle du Monte Verde à 750 mètres d'altitude, d'où nous avons une vue à pratiquement 360° sur l'île. Y sont installés, un peu à la mode des Canaries, des capteurs d'humidités qui condensent l'humidité des nuages (seule source d'eau naturelle de l'archipel). Nous visitons quelques villages de pêcheurs et faisons un arrêt à la Baia des Gatas où nous nous étions baignés il y a 6 ans. Le ville fantôme d'alors est devenue une petite station balnéaire (à la mode capverdienne) avec des maisons bariolées autour de cette belle plage et de ces piscines naturelles. Encore un signe de l'expansion importante qu'a connu le cap vert en 6 ans. Nous avons réellement l'impression que la pauvreté a reculé, du moins à Sao Vincente. Un peu plus au Nord se trouve la grande plage de sable blanc de l'île, coupée en plusieurs endroits par des coulées de lave noire. Nous déjeunons au restaurant du frère de notre chauffeur, dans le village de Calhau. C'est un bon repas de poisson frais préparé exprès pour nous, que nous avons la mauvaise surprise de devoir payer, alors que Roberto nous avait vendu une formule "all included". Il nous a bien eu ! Nous rentrons à Mindelo en traversant la vallée où se pratique l'agriculture, l'eau étant pompée dans le sol et amenée par des moulins éoliens sur de petits jardins potager.

Nous avons la chance de séjourner à Mindelo pendant la semaine du carnaval. Tous les jours nous assistons à des défilés au rythme des tambours de diverses associations, écoles, communautés, tous parés de beaux costumes colorés. Ces défilés sont un entrainement pour la grande parade qui va regrouper tout le monde le mardi gras. L'ambiance est festive, les gens se pressent le long des trottoirs pour admirer les prestations. La plupart sont eux-même déguisés, ils viennent en famille. Dans les rues sont installés des stands genre kermesse où l'on vend des bonbons, des beignets, des brochettes de poulet grillé… La grande parade du mardi gras remplit bien ses promesses : les groupes sont superbement déguisés, les chars colorés, c'est somptueux ; et le défilé interminable se poursuit pendant quatre heures. Je dois être un peu vieux jeux, j'ai juste regretté que la musique en soit pas plus variée. Du tam-tam avec quelques mélodies scandées… On est au cap vert quoi ! Ça aurait pu être un peu plus recherché ! Nous rentrons un peu avant la fin, lassés d'être comprimés contre la corde de sécurité où nous nous étions installés. Il y a un monde fou, un public très familial est contenu derrière les barrières de sécurité, par un service de sécurité bien organisé !

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Nous retrouvons les deux supermarchés proches de la marina où les candidats à la transat s'approvisionnent. Le choix s'est un peu amélioré par rapport à il y a 6 ans : plus de produits frais, un rayon boucherie qui vend de la viande juste décongelée mais présentée à l'occidentale, toujours pas grand-chose au niveau laitages ou fromage ! Les deux marchés, le "couvert" au centre-ville et le "à ciel ouvert" un peu plus loin sur une grande place, où les capverdiennes vendent leurs produits sont très bien achalandés en fruits, légumes, œufs, herbes en tout genre. Plusieurs boulangeries vendent du pain capverdien : genre de pain de mie prenant diverses formes, mais ils ont tous le même gout. Nous pouvons remplir nos cales sans problème en vue de la prochaine traversée.

Transat

Quinze jours de traversée depuis Mindelo vers La Barbade

Le 15 février après avoir patienté une heure que l'officier d'immigration vienne nous tamponner nos passeports, nous pouvons faire le plein de gasoil et enfin vers 13 heures larguer les amarres de Mindelo. Le passage entre Sao Antao et Sao Vicente ne faillit pas à sa réputation, c'est fortement venté. Nous prenons un ris en prévision et ne déroulons qu'un petit bout de génois pour essuyer des rafales à 25-30 nœuds, ça commence bien ! Mais cela ne dure pas nous nous retrouvons bientôt à l'abri de Sao Antao et nous devons nous dégager au moteur car c'est vraiment désagréable la mer étant restée très agitée.


Nous trouvons bientôt l'allure qui va nous accompagner 5 jours durant, grand largue, un ris, le génois pas mal enroulé pour un vent de Nord-Est avec des rafales à 25 nœuds, la mer est assez agitée et nous roule dans tous les sens. Les premiers jours ne sont pas très ensoleillés et l'harmattan toujours présent voile pas mal le soleil. Il faudra d'ailleurs attendre le milieu de la traversé pour avoir enfin un horizon clair et espérer admirer de beaux couchers ou levers de soleil. Nous manœuvrons peu, le vent restant très soutenu, avec une accalmie qui nous permet de relâcher le ris, vite repris car les rafales reviennent de plus belle. Nous avançons bien à ce train et parcourons plus de 150 milles par jours.


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Le cinquième jour le vent tourne à l'Est, nous installons le tangon sur tribord et la grand-voile sur babord et continuons à avancer à vive allure en prenant parfois un ris et en enroulant plus ou moins le génois pour que le bateau reste bien manœuvrant pour notre fidèle régulateur d'allure Vany. Celui-ci est tout content d'avoir été soigneusement graissé ce qui a bien amélioré ses performances. Il prend un peu de liberté au bout de 10 jours de travail et a besoin d'un petit tour de vis. En clair les fixations et divers boulonnages ayant pris du jeu, il commence à vibrer très bruyamment et Philippe doit (bien attaché) aller dans la jupe pour resserrer un peu tout cela. Notre course folle au travers de l'Atlantique se poursuit à son rythme effréné pendant encore 6 jours. A partir du douzième jour le vent faiblit et oscille entre l'Est-Sud-Est et l'Est-Nord-Est, mais malheureusement cela ne devient pas plus confortable pour autant, car la mer reste plutôt agitée.

Les derniers jours nous manœuvrons un peu plus pour continuer à avancer, en empannant tantôt le génois tantôt la grand-voile. Lors d'une de ces manoeuvres la poulie du rail de tangon en plastique, vieille de plus de 20 ans explose. Elle nous permettait de ranger le tangon le long du mat facilitant sa manipulation. Ce n'est pas bien grave mais cela ne facilite pas les choses à Philippe.

Peu avant cet incident, je me disais que nous avions de la chance de ne pas avoir eu de problème technique lors de cette traversée. Pour me faire mentir un peu plus, le vit mulet (attache de la bôme sur le mat) lâche à nouveau (huit rivets pop inox explosés!), trop sollicité par le vent instable. Ce point faible du gréement nous enquiquine régulièrement. Nous affalons donc et ficelons la grand-voile pour ne rien casser d'autre et terminons les quelques 24 heures de fin de transat, soit sous génois, soit sous gennaker, soit un peu au moteur lorsque les conditions deviennent trop instables à la voile faute de vent.

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Nous restons un peu sur notre faim de beaux couchers et levers de soleil. Il faut attendre que l'harmattan s'estompe, et ce n'est que les cinq derniers jours que le ciel s'enflamme de belles couleurs orange, avec un rapide rayon vert, pendant l'un des rares coucher de soleil sans nuées au raz de l'horizon, et bien sûr nous l'avons regardé sans penser à une quelconque photo !

Mais qu'en est-il du moral de l'équipage ?

Le vent soutenu, la vitesse élevée du bateau génèrent en plus de vagues qui nous ballottent, des claquements, des craquements, des coups de gite. Il faut bien s'adapter aux conditions très inconfortable. Nous retrouvons d'ailleurs le même schéma que lors de notre première transat en 2017. J'ai quand même l'impression que la mer avait fini par se calmer un peu plus tôt ou bien je le supporte plus difficilement ? Il est difficile pour moi de trouver le sommeil certaines nuits et la fatigue s'accumulant, certaines journées sont très brumeuses. Heureusement nous n'avons pas beaucoup à manœuvrer le bateau marchant tout seul barré par Vany ; quelques réglages de l'angle de barre ou de l'aérien seulement par moments. Nous nous sentons bien seuls car nous ne voyons absolument aucun bateau, ni même sur l'AIS pendant au moins 12 jours. Les sargasses présentent dans l'eau tout le long et quelques oiseux visiteurs pour seules compagnies ! .

Nous reprenons un rythme déjà éprouvé des quarts de 3 heures la nuit, chacun deux ; je fais la cuisine, Philippe la vaisselle ; la question fondamentale du jour étant : "Qu'est-ce qu'on mange ?". La matinée passe assez vite, entre le petit déjeuner qui s'éternise, la petite sieste du premier réveillé, la toilette dans la jupe avec l'horizon pour spectacle, et la communication par satellite. Les après-midis sont plus longues, lecture, mots croisés, lecture, une petite sieste, une partie de scrabble, un peu de musique… avec au bout la petite bière ou l'apéro du soir.

Nous apercevons les lumières de La Barbade à la tombé de la nuit du 29 février, et doublons la pointe Nord au lever du jour pour mouiller notre ancre devant Port Saint Charles à 6h45 locales (TU-4) ; bouclant ainsi une traversée de 2130 milles en moins de 15 jours.


Nous sommes bien contents d'être arrivés, de pouvoir enfin dormir sans être ballotés de tous bords, et d'avoir une belle île paradisiaque à visiter comme récompense. Le bilan technique n'est pas trop méchant, un peu de boulot pour le technicien du bord. Nous avons mangé des fruits frais jusqu'à la veille de notre arrivée et notre réserve d'eau n'est vidée que d'un peu plus de la moitié.


Merci à tous pour les messages de soutien reçus par satellite.


La Barbade

Neuf jours pour découvrir cette île paradisiaque.

En arrivant à la Barbade, après une transat, on est récompensé de tous les efforts que demande cette traversée ; cette île est un vrai petit coin de paradis.


Située à une cinquantaine de milles à l'Est de l'arc antillais donc au vent, elle est un peu à part. Il faut s'y arrêter sur le chemin Est-Ouest sinon il faut lutter contre les alizées et la houle de l'Atlantique pour l'atteindre. Elle ne fut pas découverte par Christophe Colomb mais plus tard par un Portugais, D'autre part du fait de sa situation, les péripéties historiques subies par les autres îles qui sont passées des mains des Anglais, au Français, ou aux Espagnols, sans oublier les Néerlandais, ne l'ont pas affectée. Elle a été longtemps sous seule domination anglaise avant son indépendance. Cette histoire finalement assez calme a contribué à sa prospérité. Prospérité comme ailleurs dans l'arc antillais, acquise par l'exploitation de la canne à sucre grâce à la main œuvre gratuite de l'esclavage. Avec le tourisme, la canne à sucre reste sa principale ressource mais tout le monde bénéficie aujourd'hui des bienfaits de cette île riche et relativement peuplée.


Une autre particularité est sa structure géologique. Cette ile n'est pas d'origine volcanique comme l'ensemble de l'arc antillais. C'est un plateau sédimentaire et coralien qui fut poussé en surface par la rencontre des plaques caraïbe et atlantique. D’où son relief relativement plat.


Le tourisme n'a pas non plus détruit l'ambiance caraïbe et les complexes hôteliers et résidentiels assez nombreux sont plutôt discrets. Si la touche british est encore visible, la vie a été fortement américanisée par la présence de nombreux touriste venant des Etats-Unis, et notamment les centres commerciaux qui n'ont rien à envier à ceux que nous avons visité en Floride.


Nous arrivons donc le matin du 1er mars au mouillage de Port Saint-Charles. Cette marina privée dans un complexe résidentiel n'offre pas de place à quai pour les navigateurs de passage mais un ponton pour les annexes, un quai où faire le plein d'eau ou de carburant et déposer ses poubelles. De plus elle abrite une annexe administrative où nous pouvons faire les formalités d'entrée dans le pays. Après une petite sieste, un bon petit déjeuner, nous gonflons l'annexe et débarquons en fin de matinée pour régulariser notre entrée. Grand bien nous a fait de ne pas nous presser, nous devons encore attendre une demi-heure que l'officier du contrôle sanitaire arrive. Les trois branches, sanitaire, immigration et douane sont réunies dans une même salle et nous passons de bureau en bureau pour déclarer que nous n'avons pas la peste, ni aucune maladie, faire enregistrer nos identités et tamponner nos passeports, et faire notre déclaration douanière ; le tout dans un ambiance bien décontractée. Nous finissons la matinée au Pier One, le bar huppé de la marina pour une bière et un hot-dog bien mérités. Le personnel est très serviable, ils autorisent l'accès à leur ponton sans forcément consommer et nous renseigne sur les divers services dont nous avons besoin.

Il n'y a rien d'autre à la marina et nous devons prendre l'annexe pour rejoindre le village de Speightstown un mille plus au Sud où un ponton pour annexe est aménagé sur la jetée et où nous trouvons de quoi nous ravitailler, acheter une carte sim locale et faire laver notre linge sale qui s'accumule. L'ambiance au village est très différente de celle de Port Saint-Charles, peuplé de vieux riches américains en vacances. Outre les deux petits supermarchés, nous pouvons nous ravitailler en fruits et légumes directement sur les étals des locaux qui vendent leurs produits dans la rue. Les rues sont très animées, nous croisons des enfants en uniforme qui partent ou reviennent de l'école. Des bars se suivent le long de la plage et on peut y venir admirer le coucher de soleil en dégustant du rhum local, si on n'est pas trop incommodé par les couacs des locaux s'adonnant au karaoké, distraction très prisée le samedi soir.

Nous louons une voiture trois jours pour aller visiter l'île. Tout le pourtour, bordé de belles plages est construit et habité. Au centre il reste assez peu de forêts qui ont été détruites au profit de la culture de la canne à sucre. L'île est néanmoins encore très verte, l'eau n'y manque pas et sa pureté participe à la qualité du rhum produit. Nous nous rendons au "Mount Gay Visitor Center" pour découvrir et déguster les spécificités de ce rhum très réputé qui effectivement vaut les meilleurs rhums martiniquais. Nous allons visiter les "Harrison's Caves", grottes et rivières souterraines découvertes par Mr Harrison. Le site est très vert au cœur de la forêt, un parcours dans les arbres y a été aménagé, nous y passons un agréable moment.

L'île regorge de jardins botaniques, nous visitons "Andromeda Botanic Garden" et le petit zoo de la "Wild Life Reserve" où se promènent tortues, volatiles divers, un beau paon et des singes en liberté ; et où on peut admirer des aras et des serpents. Nous longeons la côte Est où la houle de l'Atlantique vient déverser ses gros rouleaux sur de belles plages. Nous nous promenons dans "Farley Hill Nationnal Park", où se trouvent les ruines d'un grand manoir détruit par le feu et qui abrite de magnifiques arbres. Savez sous que le nom Barbade vient des arbres présentant des racines lianes qui retombent : les "arbres à barbe" ?

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Nous ne pouvions pas manquer de visiter également Bridgetown la capitale. Cette petite ville portuaire est très commerçante. Outre une rue piétonne envahie d'étals divers et variés et de boutiques, on y trouve les grandes marques présentes dans toutes les escales des bateaux de croisière et Bridgetown en est une. De belle constructions de style colonial britannique sont en parfait état, d'autres moins. La ville est très animée et bruyante et les espaces de calme sont rares, autour de Careenage la petite rade qui abrite un port de plaisance pour bateaux à moteur de pêche sportive.

Nous restons une dizaine de jour à La Barbade pour nous reposer et réparer les petites avaries de la transat. Le vit mulet est reposé avec cette fois rivets pop et vis dans des écrous rivetés. La poulie de rail de tangon remplacée. La drisse de grand-voile qui s'est encore fortement usée en tête de mât est coupée, raccourcie de la longueur usée, nous allons finir par devoir la remplacer ! Philippe doit encore se battre avec le moteur d'annexe qui ne carbure pas bien et nous a obligé à revenir de Speightstown un soir à la rame ! Cochonnerie de mécanique ! Nous pouvons néanmoins bien profiter de belles baignades avec snorkeling sur les rochers voisins où nous admirons de beaux poissons de toutes les couleurs, de beaux couchers de soleil … Nous faisons connaissance avec Suzanne et Yvan sur "Abracadabra", un couple de jeunes haut-savoyards rencontrés à Mindelo qui sont arrivés à Port Saint-Charles quelques jours après nous, un peu dégoutés de tous les problèmes qu'ils doivent résoudre sur un bateau acheté un mois avant le départ et peu préparé.

Tobago

Une dizaine de jours à Charlotteville, ambiance caraïbe assurée !

Nous débarquons le dimanche 10 mars pour faire nos formalités de départ de La Barbade. Il est trop tôt pour un dimanche, il nous faut attendre 11 heures que l'officier d'immigration rejoigne son bureau. On nous avait pourtant dit que le bureau était ouvert de 8h à 10 heures le dimanche, allez y comprendre quelque chose.


Nous quittons donc La Barbade en milieu de journée direction Sud-Est vers Tobago. En fait de direction Sud-Est nous devons dévier notre cap d'au moins 20 degrés vers le Sud pour compenser le courant Sud équatorial (je ne me trompe pas, il remonte dans l'hémisphère Nord) non négligeable qui nous repousse vers le Nord- Ouest réduisant également notre vitesse. Mais pas de soucis nous sommes dans l'ambiance caraïbe, nous avançons tout de même à une allure agréable, vent de travers avec un vent d'une quinzaine de nœuds. La mer est belle et la traversée agréable. Après avoir parcouru 130 milles et passé une belle nuit sous les étoiles, nous arrivons le lendemain en fin de journée, à "Man O War Bay" au Nord-Est de l'île de Tobago.


Le 12 mars au matin nous débarquons à Charlotteville au fond de la baie et partons accomplir nos formalités d'entrée. Si c'était décontracté à La Barbade, ici, c'est pire ! Il faut tout d'abord trouver l'officier du contrôle sanitaire. Après avoir un peu déambulé dans le village, nous être renseignés à l'Office du Tourisme où il devrait se trouver, nous la croisons par hasard dans la rue. Une fois votre "Health clearance" en main, il faut nous rendre à l'étage de l'hôpital un peu plus haut dans le village pour passer au bureau des douanes et à ceux de l'immigration. Les formalités à Tobago ont la réputation d'être très compliquées. Mais en dehors de la pléthore de papiers à remplir, il n'y a rien de bien difficile, et les officiers sont très souriants et gentils. Cela nous a pris tout de même la matinée ! No stress ! Les formalités sont payantes ici ; 50 US$ pour deux personnes : il ne faut pas oublier de passer à l'ATM (distributeur bancaire) avant. Sachant que si on veut aller dans la secteur Sud de l'île il faut recommencer le même cirque à Scarborough, que si nous voulons aller dans une autre crique au Nord, il faut aller chercher un "cruising permit" auprès des douanes, et que les mouillages ailleurs sont très rouleurs, nous décidons de rester dans cette baie !

Charlotteville est un village typique, niché au cœur de la forêt au fond de la baie, où tout le monde se connait, vous dis bonjour dans la rue. Il est habité par une population de pêcheurs qui rangent leurs barques sur la plage ou au mouillage devant. Nous cherchons à acheter une carte sim car la carte achetée à La Barbade n'est plus valable.

Qu'à cela ne tienne, nous demandons dans la rue et un monsieur prend son téléphone, appelle Mrs Moore qui les vend à son domicile, et nous conduit chez elle. Ce petit village dispose tout de même d'un certain nombre de services : une petite épicerie, un marchand de poisson (tout frais arrivé de la pêche), une marchande de fruits et légumes dans une baraque sur la plage, une station-service, un ATM, une bibliothèque (étonnant vu le nombre d'habitants) et quelques bouisbouis, je n'ose pas les nommer restaurants ou bar, mais j'y reviendrait ! Et bien sûr l'hôpital, le cimetière à flan de colline, le poste de police, l'office de tourisme et le stade de foot.

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Nous louons une voiture à Charles à Charlotteville pour visiter l'île. Les formalités de location sont des plus simples, pas de contrat de location. Charles se contente de photographier le permis de Philippe et c'est parti ! Au retour ce sera tout aussi simple. La voiture n'est pas des plus neuves, ni dans un état impeccable, mais correcte et c'est parfait pour les routes locales.

Le Nord de l'île est recouvert d'une magnifique forêt tropicale primitive des plus luxuriante. Les espèces les plus exotiques y sont représentées : kapoks, flamboyants, cacaoyers, bananiers, manguiers, bambous énormes ; tous envahis par des épiphytes où on reconnait toute sorte d'orchidées. Le centre est une zone protégée, de nombreux sentier de randonnée s'y perdent. Les routes sont principalement sur le pourtour de l'ile très escarpé et découpé, si bien qu'elles sont très sinueuses, défoncées et débouchent sur de beaux paysages sur les baies et la mer. La circulation y est pénible déjà par la conduite à gauche, mais surtout par l'habitude locale de s'arrêter n'importe où pour se garer, virages y compris. Le bétail pait tranquillement sur le bord de la route. Seules deux ou trois routes transversales traversent cette île toute en longueur. Nous nous arrêtons sur le sommet de "Flagstaff Hill" pour admirer la vue sur la baie de Charlotteville, nous marchons jusqu'à la cascade "Argyl Falls", et allons prendre un bain à "Bloody Bay", une baie aménagée mais qui semble abandonnée ; il faut dire que la baignade est plutôt dangereuse avec le ressac. L'ile est orientée Nord-Est Sud-Ouest, c’est-à-dire quasiment dans l'axe des alizées ; en conséquence, on trouve des anses abritées du vent des deux côtés mais la houle entre plus ou moins dans les baies. Aucune n'est complétement abritée et du vent et de la mer, même à "Man O War Bay", la plus fermée des baies, la houle est sensible, le débarquement en annexe sur la plage demande de la vigilance, et nous vaut quelques trempettes non prévues.

Le lendemain nous poussons au Sud de l'île pour passer à la capitale Scarborough, qui ne présente aucun intérêt. Une ville qui grouille de monde avec des "magasins" de souvenirs ou vêtements pour les touristes qui débarquent du bateau de croisière amarré au port, des stands de fast food partout. Il n'y aucun bâtiment typique. Le seul site intéressant se trouve à "Fort King Georges", une ancienne fortification qui abrite un musée retraçant de façon un peu brouillonne l'histoire de l'île : des différentes ethnies indigènes qui l'on peuplée, aux guerres entre Français, Anglais, Néerlandais et Espagnols du XVII et XVIII siècles, jusqu'à la domination britannique et l'indépendance en 1962. Les Histoires de toutes ces îles caraïbes se ressemblent finalement beaucoup.

Nous poussons jusqu'à Pigeon Point. La pointe Sud de l'île est une magnifique plage de sable corallien entourée d'un atoll. Le site est extrêmement touristique aménagé pour les loisirs, baignade, kite, planche, découverte des fonds, bars à l'européenne. Un peu déçus par le Sud de l'île plutôt sec et urbanisés, nous rentrons vite à Charlotteville pour aller fêter l'anniversaire de Philippe au restaurant.

La gastronomie ici est très américanisée à la mode caraïbe. On ne trouve pas de restaurant comme on l'entend en Europe, c’est-à-dire un endroit où vous êtes servis à table avec un certain choix de mets, entrée, plat, dessert etc… On trouve ici de très nombreuses baraques vendant des plats cuisinés sur place, présentés dans des barquettes en polystyrène. Il y a au mieux le choix entre 3 ou 4 menus avec 4 ou 5 accompagnements. Cela va de la viande en ragout au poulet grillé quand vous avez de la chance avec des pois, des pommes de terre, des pates ou du riz accompagné de salade ou de légumes. Le tout cuisiné avec des épices et toujours très gouteux. En général on repart avec sa barquette, des couverts en plastique, un soda ou une bière ; et on trouve un endroit pour s'assoir quelque part. Très rares sont les endroits offrant une table pour manger du style fast food…

Nous trouvons tout de même un restaurant avec une salle en terrasse à Charlotteville pour fêter l'anniversaire de Philippe. Il n'y a que des crevettes grillées ou du poulet, (les crevettes sont excellentes soit dit en passant !), servies avec divers accompagnements, mais pas d'entrée, de dessert, ni de glace. Nous arrivons tout de même à négocier qu'on nous serve des cocktails au rhum en apéro, mais voyant que ce n'est pas du tout dans les habitudes, nous n'essayons même pas de demander un verre de vin ! Une bouteille d'eau fait l'affaire. Les bars sont également très rares, ce qu'ils appellent bar est généralement un simple débit de boisson sans table, sans salle ni terrasse, c'est dommage ! Par contre les gens dans la rue ont presque tous une bouteille à la main.

La vie est cool à Charlotteville entre deux baignades pour aller voir les poissons sur les récifs coraliens ; la musique les soirs de weekend ; les incantations du prédicateur local un soir par semaine (ce n'est pas trop notre truc !) ; les balades dans la forêt ; les apéros entre Français. Nous faisons la connaissance de Fanny et Damien et de leur garçon de cinq ans voyageant sur un RM et de Basile sur "Ulmo" sur la route de retour de deux ans autour du monde. Nous fumons une bonite achetée à un pêcheur. Nous observons les oiseaux qui pêchent toute la journée dans cette baie poissonneuse : frégates, pélicans, sternes à tête noire. Il manque juste un bar un peu convivial !

Mais il va falloir bouger un peu. Nous partons le mardi soir, 19 mars, vers Grenade ; une étape de 85 milles.

Grenade

Dernière étape de l'hiver

Nous larguons les amarres le 19 mars à 23 heures de "Man O War Bay" à Tobago, la nuit est belle éclairée par la lune, le vent modéré ; la traversée s'annonce tranquille.

Nous envoyons la grand-voile, nous appuyons un peu au moteur pour nous dégager de l'abri de l'île et Philippe va se coucher, je prends le premier quart. Je peux bientôt envoyer le génois mais garde un peu le moteur pour charger les batteries et maintenir une allure confortable la mer étant très désordonnée. Je m'apprête à me caler dans un coin pour lire quand je me rends compte que le pilote fait n'importe quoi. En fait il ne fonctionne plus du tout. Je prends donc la barre et vais réveiller Philippe plus tôt que prévu, le pilotage demande une attention soutenue. Avec la mer dans tous les sens, après le coucher de la lune où la nuit très noire ne donne aucun repère, on doit se concentrer sur le compas ce qui est très fatigant. Heureusement avec le lever du jour le pilotage devient bien plus décontracté d'autant plus que le temps est clément. Ce coup-ci c'est le bocal du liquide du pilote hydraulique qui a tout bonnement explosé ; plastique trop vieux et/ou un coup pris dans le coffre où il est situé ? Une nouvelle pièce à changer, décidément nous commençons à avoir un bateau vétuste !

Après un joli bord de près pour remonter depuis le Sud de Grenade, nous arrivons à Saint-Georges vers 15 heures, le 20 avril. Nous sommes accueillis à la Marina de Port Louis où nous avions réservé une place. Nous avons juste le temps de nous présenter à la douane et à l'immigration pour faire nos formalités avant la fermeture des bureaux. Nous avons envie de passer quelques jours, à plat sans roulis, avec un peu plus de confort.

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De fait cette luxueuse marina offre tous les services possibles. S'y mélangent les voyageurs comme nous (mais plutôt avec de plus gros bateaux), une flotte de catamarans de location, des bateaux de pêche sportive et de luxueux yachts. C'est un des points d'escale des rallyes de l'Arc. De fait une réception est organisée ce soir-là au restaurant de la marina, réunissant des équipages principalement anglophones. Le site de la marina est très joli, il abrite de petites maisons créoles au milieu d'un petit jardin tropical qui logent : les sanitaires, les bureaux administratifs, un service de laverie, divers bureaux pour les fournisseurs de prestations.

Nous louons une voiture pour découvrir cette belle île. Le Sud de l'île est très touristique avec de belles plages, le Nord est plus sauvage et n’offre aucune installation touristique. C'est là que se trouve la vraie vie typiquement caraïbe. La végétation est luxuriante comme à Tobago, les routes étroites sont bordées de fougères d'un vert éclatant, le relief très tourmenté est typique des îles volcaniques. De nombreuses cascades et rivière descendent de la montagne. La moindre chute d'eau dans le Sud est exploitée pour attirer les touristes et leur faire cracher quelques dollars. Les stands d'artisanat local et de vendeurs d'épices sont installés autour ainsi que des amateurs musiciens qui glanent ainsi quelque monnaie. Au centre de l'île la forêt est une réserve protégée, un site proche du lac du cratère d'un volcan est aménagé avec un beau jardin, et finalement pas grand-chose à voir, mais il faut aussi s'acquitter de quelques dollars. Grenade a fêté le cinquantième anniversaire de son indépendance le 7 février dernier. A cette occasion les murets, certaines maisons, les bas de poteaux électriques et la moindre bordure de route ont été repeints aux couleurs du pays : rouge, jaune, vert ; et les rues sont décorées encore de banderoles de fanions tricolores.

Nous faisons le tour de l'île et c'est tout aussi compliqué qu'à Tobago pour se restaurer le midi. A Grenville nous trouvons une dame qui fait la cuisine et dispose d'une petite salle avec deux tables. Elle nous sert un bon repas typiquement local du poulet grillé avec du riz et des légumes tropicaux, des genre de racines proches de la pomme de terre (dont je n'ai pas retenu les noms). Notre arrêt à Gouyave le lendemain pour déjeuner n'est pas couronné de succès, nous irons jusqu'à Saint Georges déjeuner dans un fast food avec une musique assourdissante en bruit de fond. Nous visitons une petite chocolaterie artisanale à Diamond au Nord de l'île ; ils produisent du cacao et transforment leur production ; un agréable moment, avec dégustation ; ça change un peu du rhum et c'est tout aussi bon !

Saint Georges est une ville animée aux allures British avec ses maisons de briques rouge, son marché tropical, et ses stands de marchands de tout et de rien dans les rues proches du débarcadère des navires de croisière. De nombreuses églises anglicanes et les places fortes laissée par les anglais en sont les vestiges historiques, que nous ne visitons pas un peu lassés de voir toujours la même chose et de toute façon c'est fermé le weekend.

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Nous passons quatre jours à la marina à profiter un peu du confort, puis rejoignons le mouillage devant la belle plage de Grande Anse où nous profitons encore quelques jours de la baignade et des cocktails en regardant se coucher le soleil.

Le 28 mars nous nous rendons à Prickly Bay au Sud de Grenade. Au fond de la baie se trouve le chantier "Spice Island Marine" où nous avons réservé une place pour laisser le bateau cet été. Nous passons quelques jours à préparer le bateau : démontage des voiles, grand nettoyage, rangement. Une mise à sec de Free Vikings est programmée le 2 avril, et nous prendrons l'avion le lendemain pour un retour en France.


Nous avons parcouru 5700 milles depuis notre départ d'Arzal en octobre, visité trois continents, traversé une seconde fois l'Atlantique d'Est en Ouest. Nous avons eu notre dose de soleil, de mer, de bateau. Nous sommes très contents de rentrer chez nous et de retrouver nos proches. Free Vikings va nous attendre sagement environ 7 mois ici et nous allons nous occuper de lui refaire une santé, l'antifouling sera fait au chantier pendant notre absence, les pièces défectueuses commandées et à notre retour, nous réviserons et réparerons tous les problèmes que nous avons détecté.

Rendez-vous à l'automne pour de nouvelles aventures ! Merci à tous pour vos messages qui font chaud au cœur !